Françoise PETITDEMANGE
La liberté d’expression ?
La liberté d’expression
Pour qui ?
Michel J. Cuny et Françoise Petitdemange (moi-même)
en savons quelque chose...
depuis plus de 40 années !
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SOMMAIRE DE CETTE PAGE
1. Mensonge et vérité
2. La trahison de Jean Ping
1. MENSONGE ET VERITE
Il va sans dire - mais, par les temps qui courent, il faut le redire - tous les peuples de la terre et toutes les religions méritent le respect. La haine contre les Arabes est tout aussi intolérable que la haine contre d'autres peuples. Le non-respect de la religion musulmane est tout aussi condamnable que le non-respect de toute autre religion car c'est ce non-respect qui, souvent, porte au fanatisme.
De même, les peuples - qui sont majoritaires sur cette terre - ont droit à une vie politique et économique qui leur convienne. Ils ne peuvent éternellement vivre sous le régime de l'exploitation de leur travail et de l'avilissement de leur esprit par une minorité politico-économico-médiatique qui, prétendant détenir le monopole de la démocratie, veut imposer sa fausse démocratie, par la force des bombes, à d'autres peuples, comme elle vient de le faire en Libye avec les résultats que l'on connaît...
Cette minorité, qui décide des guerres, ne les fait pas (ni ses enfants, ni ses petits-enfants) ; elle s'en remet à des "spécialistes" serviles à souhait ; ainsi donc, elle n'assume aucune de ses décisions qui aboutissent aux blessures à vie et à la mort d'hommes, de femmes, d'enfants ; elle est à l'origine des tortures qui se sont commises hier, qui se commettent - aujourd'hui - et qui se commettront, hélas, encore demain et après-demain en Libye, en Syrie, en Irak, et ailleurs, qui sont le résultat de ses guerres de classe, capitalistes, impérialistes, colonialistes tournées contre les peuples sans lesquels elle serait bien en peine de vivre ! Qu'elle brandisse le mensonge en croyant détenir la Vérité fait pitié !
2. Un ami lecteur, Alain R., m'a fait parvenir un entretien accordé à Marc de Miramon par Jean Ping, à l'occasion de la publication de son livre Eclipse sur l'Afrique. Fallait-il tuer Kadhafi ?, entretien paru dans l'Huma Dimanche du 12 au 18 juin 2014.
Introduction et commentaires de l'article, Françoise Petitdemange, 21 juillet 2014.
Pour saisir les propos de Jean Ping, il est important de savoir qu'il a fait ses études à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et qu'il est marié à une Française. L'un de ses livres, publié en 2002, a été préfacé par Hubert Védrine, membre du Parti "Socialiste", ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002 (soit, pendant la guerre au Kosovo et le génocide au Rwanda), et très apprécié par la droite comme par la "gauche". Selon Wikipédia, depuis 2011, Hubert Védrine siège au conseil consultatif de la banque d'affaires états-unienne Moelis & Company.
Après la défaite de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles de 2012, Hubert Védrine rédige un rapport sur l'OTAN commandé par le président fantoche, François Hollande, qu'il remet à ce dernier en novembre 2012. Puis Hubert Védrine rédige un autre rapport remis un an plus tard, soit début décembre 2013, rapport qu'il a le culot d'intituler Un partenariat pour l'avenir en vue de relations économiques entre la France et l'Afrique... en voie de recolonisation !
Quant à Jean Ping, il a été, en 2004-2005, le 59ème président de l'Assemblée générale des Nations Unies. Il n'a jamais été, jusqu'à ce jour, président de l'UA (Union Africaine) mais il a été président de la commission de l'UA d'avril 2008 à octobre 2012, et cette présidence a coïncidé avec la présidence à l'Union Africaine de Muammar Gaddhafi (février 2009-janvier 2010). Nul doute qu'entre Jean Ping, à la botte des Etats capitalistes, impérialistes, colonialistes occidentaux, et Muammar Gaddhafi l'anti-capitaliste, anti-impérialiste, anti-colonialiste, le courant devait avoir du mal à passer...
*
Voici donc comment Jean Ping se dévoile en répondant à quelques questions seulement :
« Humanité Dimanche : En tant que président de la commission de l'Union africaine, quelles étaient vos relations avec Kadhafi, qui présidait l'Union africaine en 2009 ?
Jean Ping : Elles étaient exécrables. Le problème avec Kadhafi, c'est qu'il croyait qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. Et, bien évidemment, il m'était impossible de le suivre puisque j'étais comptable de mes actions devant les 54 chefs d'Etat de l'Union africaine. »
Françoise Petitdemange : Contrairement à ce qu'affirme Jean Ping, Muammar Gaddhafi n'était pas homme à croire « qu'il pouvait faire ce qu'il voulait ». Muammar Gaddhafi, en tant que président de l'Union Africaine, en 2009-2010, était, lui aussi, responsable devant les 54 chefs des Etats de l'UA, d'autant plus responsable que c'était lui qui avait lancé l' Appel de Syrte, en septembre 1999, destiné à raviver les activités de l'OUA (Organisation de l'Unité Africaine) et ayant mené à la création de l'UA (Union Africaine).
Que disait le Préambule de la Résolution de la Session extraordinaire des 8 et 9 septembre 1999 qui réunissait, d'emblée, 43 chefs d'Etat africains sur 53 ?
« Nous, dirigeants, chefs d'Etat et de gouvernement africains, réunis à Syrte en Grande Jamahirya, nous fondant sur tout ce qui, dans la Charte de l'OUA, confirme le droit inaliénable des peuples à l'autodétermination, sur les aspirations légitimes à la liberté, l'égalité, la dignité et l'unité et sur les responsabilités de consacrer les ressources naturelles, les potentiels humains de notre continent au progrès des peuples,
[...]
ayant conscience de la férocité des attaques avides sur notre continent, de la continuité des démarches visant à saigner celui-ci de ses ressources, d'en sucer le sang et ce depuis les expéditions coloniales et capitalistes, des tragédies de la traite des Noirs dans un continent considéré comme une simple jungle où les hommes étaient traités sans merci et vus comme de simples esclaves,
[...]
annonçons, par la grâce et le secours de Dieu, par la présente Déclaration historique du 09/09/99 à partir des rivages du golfe des Syrtes, l'établissement de l'Union africaine qui concrétise les objectifs prévus par la Charte de l'OUA voilà bientôt un demi-siècle et mettant en œuvre nos décisions du traité portant création de la Communauté économique africaine, et ce, sur la base des principes suivants :
- l'égalité entre les Etats membres de l'Union,
- l'autorité entre les mains des peuples,
- l'engagement de mettre en œuvre les politiques de l'Union de bonne foi ; tout Etat contrevenant se plie aux sanctions décidées par le Congrès,
- l'union s'engage à défendre le continent sur terre, mer et dans les airs,
[...]. »
[Cité par FP, dans "La Libye révolutionnaire dans le monde (1969-2011)", PP. 371 à 373.]
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« Humanité Dimanche : Qu'est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre [Eclipse sur l'Afrique. Fallait-il tuer Kadhafi ?] ?
Jean Ping : Je crois qu'il était très important de restituer la vérité historique. L'Union africaine (UA) a été la seule organisation au monde à refuser l'intervention militaire étrangère en Libye et avait proposé une sortie de crise pacifique. Nous avons proposé un plan en cinq points, comprenant un cessez-le-feu immédiat ; la mise en place d'une transition politique consensuelle, c'est-à-dire excluant le maintien au pouvoir de Muammar Kadhafi, ce que la Libye avait accepté. La transition avait pour objet de préparer une Constitution, car la Libye n'en avait pas, et des institutions démocratiques en vue d'aller aux élections. Nous ne cherchions pas à changer un homme, nous voulions changer tout le système. »
Françoise Petitdemange : Voilà qui est clair et qui ne va pas en faveur de la vérité historique, ni en faveur de la démocratie (en tant que souveraineté du peuple)... Jean Ping se retranche - mal, il faut bien le dire - derrière l'Union Africaine. Président de la commission de l'Union africaine, il ignore ou feint d'ignorer que la Libye était un Etat des masses - la Grande Jamahiriya Arabe Libyenne Populaire Socialiste - une démocratie directe et que Muammar Gaddhafi, s'il était le symbole et le Guide de la Révolution du 1er Septembre 1969, n'avait pas le pouvoir entre ses mains. Mais, si Muammar Gaddhafi avait détenu le pouvoir, c'était au peuple libyen à proposer un changement, s'il le souhaitait, en toute liberté c'est-à-dire sans la menace des bombes étrangères, et certainement pas au président de la Commission de l'Union Africaine à s'acoquiner avec les chefs d'Etat français, britannique et états-unien pour lui faire en quelque sorte lâcher prise en larguant des bombes sur le peuple libyen. Comment la Libye, selon Jean Ping, avait-elle accepté une transition politique consensuelle ? Par un Congrès Général du Peuple ? Où ? Quand ?
Alors qu'en 2011, Jean Ping croyait pouvoir se mêler des affaires intérieures de la Libye, il ignorait ceci que la Libye avait une Constitution écrite depuis décembre 1969 et des institutions qui évoluaient au fil des années révolutionnaires. Ce qui faisait l'originalité de la Libye ? La démocratie directe : le peuple libyen se gouvernait lui-même et n'avait pas besoin de Jean Ping. D'ailleurs ce dernier reste dans une ignorance inexcusable en 2014, au moment de l'entretien... Le voici qui ajoute à l'ignorance l'imposture : « Nous ne cherchions pas à changer un homme, nous voulions changer tout le système. » Mais de quoi se mêlait-il, ce Gabonais collabo des colonisateurs ?
S'agissait-il, pour Jean Ping, de transformer la démocratie directe, populaire, socialiste libyenne en une fausse démocratie, en une démocratie bourgeoise ? S'agissait-il, aussi, d'empêcher le Guide révolutionnaire de poursuivre son travail avec les autres chefs d'Etat africains en vue de la constitution des Etats-Unis d'Afrique qui devait se faire - et Muammar Gaddhafi insistait là-dessus - non pas au sommet d'une quelconque pyramide mais en liaison constante avec les peuples africains ? Ce Jean Ping a outrepassé sa fonction de président de la Commission à l'Union Africaine et, en trahissant la Charte de l'UA, il a trahi la cause du continent africain.
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« Humanité Dimanche : Que vous répondait-on ?
Jean Ping : A Washington, nous avons été écoutés avec un certain intérêt. Mais on nous disait : « Même si Kadhafi a accepté votre plan, il ne le mettra pas en application. Nous étions pourtant déjà à la recherche d'un lieu où Kadhafi pourrait partir en exil. [...]. Nous devions nous rendre, le 20 mars 2011, à Tripoli et, le 21, à Benghazi. Les bombardements de l'OTAN ont commencé le 19 mars, la veille de notre arrivée. »
Françoise Petitdemange : Comment un Africain, digne de ce nom, a-t-il pu faire à ce point le jeu des chefs d'Etat occidentaux, ennemis de longue date du continent africain ! Le voici manœuvrant pour que Muammar Gaddhafi soit obligé de quitter son pays : son pays natal, où il avait mené, avec onze camarades, une Révolution qui avait fait passer ce pays d'une monarchie quasiment féodale - avec un roi fantoche soumis à la France, à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis - à une République Arabe Libyenne libre puis à un Etat des masses, son pays où il a toujours vécu (contrairement à Jean Ping qui a cherché les places, ici et là). Sans Muammar Gaddhafi et sa relance de l'OUA par l'UA, Jean Ping n'aurait pas été président de la Commission de l'UA. Que les bombes de l'OTAN aient précédé la délégation africaine en Libye ne devraient pas étonner Jean Ping mais l'obliger à reconnaître son incompétence et qu'il ne s'est pas fait respecter.
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« Humanité Dimanche : A vous lire, on a le sentiment que la décision de mener cette guerre à son terme était déjà prise, et que les tentatives de médiation étaient donc condamnées à l'échec...
Jean Ping : La résolution adoptée par le Conseil de sécurité était fondée sur une série de ruses. Il était au départ question de protection des populations civiles et d'aide humanitaire. Il y avait un danger pour les populations civiles de Benghazi, mais nous n'étions absolument pas convaincus qu'il existait un risque de génocide, comme certains l'ont prétendu. Nous avions conscience, dès la reconnaissance en 2005 du concept de la responsabilité de protéger, que les grandes puissances se serviraient du prétexte de l'ingérence humanitaire pour atteindre d'autres objectifs. Avec la résolution 1973, nous avons vu la Chine et la Russie s'abstenir. Par contre, les trois pays africains qui siégeaient alors au Conseil de sécurité de l'ONU (Gabon, Afrique du Sud, Nigeria) ont voté en faveur de cette résolution. Puis l'OTAN a été chargée de mettre en œuvre cette résolution au cours du sommet de Paris. Deux heures après ce sommet, les bombardements commençaient. On peut donc penser qu'il s'agissait d'un plan mis en œuvre avant et exécuté le plus rapidement possible afin de court-circuiter l'Union africaine. Nous n'avions pas de preuve écrite, mais nous étions convaincus que la décision était prise de liquider Kadhafi. Lors de mes discussions avec des responsables de l'OTAN, je voulais savoir quels étaient leurs objectifs, puisque nous étions passés de l'établissement d'une zone de protection aérienne à une participation active à ce qui était devenu une guerre civile. Je leur disais : Est-ce qu'en tuant Kadhafi, vous allez régler le problème ? Partout où vous êtes intervenus, en Irak, en Afghanistan, les résultats sont-ils probants ? [...]. »
Françoise Petitdemange : Comment le président de la Commission de l'Union Africaine peut-il afficher autant de naïveté - à moins qu'elle ne soit feinte - alors qu'il est un contemporain de Muammar Gaddhafi puisque né, comme lui, en 1942, qu'il a pu le rencontrer plusieurs fois et entendre ses discours depuis 1969, alors qu'il doit tout de même connaître un peu l'histoire du continent africain ? Jean Ping le dit lui-même : « La résolution adoptée par le Conseil de sécurité était fondée sur une série de ruses. » Derrière le concept de la « responsabilité de protéger », les chefs d'Etat français, britannique, états-unien cachent la volonté d'attaquer un pays, derrière le prétexte de l'ingérence humanitaire, ils cachent l'ingérence politique et économique dans les pays non capitalistes, derrière leur humanité affichée, ils dissimulent les objectifs de massacres et d'assassinats politiques. Malgré tout cela et en contradiction totale avec la Charte de l'UA, trois pays africains - le Gabon, son propre pays (dont Ali Bongo, marié à une Française, est le président depuis 2009), l'Afrique du Sud (dont Jacob Zuma est le président - très contesté - depuis 2009), le Nigéria - dont Jonathan Goodluck est le président par intérim en 2010 puis président élu depuis avril 2011) - ont voté en faveur de la Résolution, c'est-à-dire contre la Libye. Ainsi, ces trois pays africains se sont désolidarisés du reste du continent en votant la résolution de l'ONU, et se sont permis de boycotter le Sommet international qui réunissait l'Union Européenne et la Ligue Arabe sous la houlette du fielleux secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, et de la harpie de la diplomatie états-unienne, Hillary Clinton. Les dires de Jean Ping sont autant de preuves de sa trahison à l'égard du peuple libyen, de la Libye et de Muammar Gaddhafi, mais aussi à l'égard de tous les autres peuples africains, et, ce qui va avec sa trahison, de sa complicité avec les forces de l'OTAN... Jean Ping savait que la vie du Guide révolutionnaire était menacée et, au lieu de s'insurger publiquement contre cet assassinat prémédité par les chefs d'Etat occidentaux, il a laissé faire.
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« Humanité Dimanche : Pourquoi cette obstination de la France, des Etats-Unis ou encore de la Grande-Bretagne à vouloir liquider physiquement Kadhafi ?
Jean Ping : Je crois que les cas libyen et irakien présentent des similitudes, à la différence notable que Kadhafi s'était « assagi ». Il était redevenu fréquentable, il coopérait avec tous les services secrets occidentaux, le président Sarkozy s'était rendu en Libye après la libération des infirmières bulgares... On peut avancer plusieurs hypothèses : le pétrole libyen, dont les abondantes réserves sont situées juste en face de l'Europe ; un désir de vengeance envers un homme qui avait commis dans le passé quantité d'actes criminels ; des raisons électoralistes internes. Kadhafi croyait également que le continent africain était sa chasse gardée. »
Françoise Petitdemange : Contrairement à un assagissement dit et répété par des protagonistes qui n'ont peut-être pas assez analysé la question, si la Libye a renoncé à soutenir des groupes armés parce qu'ils faisaient des dégâts dans les populations, elle n'a pas renoncé à sa Révolution et à sa solidarité avec les peuples luttant pour leur indépendance, pour leur liberté. Muammar Gaddhafi, loin de s'assagir, préparait une autre révolution à l'échelle du continent, avec les autres chefs d'Etat africains, puisque la création des Etats-Unis d'Afrique était en cours de réalisation, avec la création d'une monnaie unique devant supplanter le franc CFA et le dollar, et la constitution d'une armée commune de défense de chaque pays africain, de chaque peuple africain, et du continent tout entier contre les menées guerrières fomentées par les chefs des Etats capitalistes. Les raisons de la guerre lancée, en 2011, contre le peuple libyen, et contre Muammar Gaddhafi et certains de ses compagnons restés fidèles à la révolution de 1969, dépassent la question des hydrocarbures.
Quant à la « quantité d'actes criminels » mis sur le compte du Guide révolutionnaire et évoqués par Jean Ping, celui-ci devrait les citer : où et quand ? Tout à sa haine de la réelle démocratie qui ne peut se définir que par le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple, il oublie les actes criminels en masse qu'ont commis et que commettent les chefs des Etats occidentaux. Décidément, Jean Ping est doté d'une mémoire très sélective...
Muammar Gaddhafi œuvrait pour le développement du continent africain et de ses peuples. Jean Ping, lui, manœuvre au service de ses intérêts personnels et des intérêts des chefs d'Etats capitalistes, impérialistes, colonialistes... qui poursuivent leurs guerres de pillage du continent africain et de ses peuples.
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« Humanité Dimanche : Dans votre livre, vous évoquez le chiffre de 50.000 morts liés à l'intervention de l'OTAN en Libye. D'où tenez-vous ce chiffre ?
Jean Ping : Ce sont les chiffres qui ont circulé au sein de l'Union africaine. Peu importe qui les communiquait, qu'il s'agisse de sources internes ou encore de la Croix-Rouge. Et encore, cela faisait partie des estimations les plus basses. Mais en Libye, personne ne comptait les morts, c'est donc qu'il y avait la volonté de cacher quelque chose. Même si Kadhafi avait mené à bien son projet d'intervenir militairement à Benghazi, jamais les pertes n'auraient été aussi nombreuses. »
Françoise Petitdemange : Peu regardant sur « qui les communiquait », Jean Ping évoque, sans sourciller, le nombre des mort(e)s en Libye : hommes, femmes, enfants, vieillards... Mais il est loin du compte, et il l'avoue lui-même, sans paraître se rendre compte que la décision de son pays de voter la Résolution a contribué à cette hécatombe dans le peuple libyen. Que sous-entend Jean Ping lorsqu'il dit ceci... « Mais en Libye, personne ne comptait les morts, c'est donc qu'il y avait la volonté de cacher quelque chose. » ? La dernière phrase de Jean Ping dit le reste...
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« Humanité Dimanche : En toile de fond de votre livre, on ressent un profond sentiment d'humi-liation de la part des Africains face à une forme de colonisation du continent par les puissances européennes...
Jean Ping : Je ne suis pas sûr qu'il faille parler d'un processus de recolonisation : l'Afrique a-t-elle d'ailleurs vraiment été décolonisée ? Je parle plutôt du préjugé consistant à vouloir faire le bonheur des Africains malgré eux. C'est une attitude péjorative et humiliante, que l'on peut rattacher au discours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy, affirmant que les Africains ne sont pas encore rentrés dans l'histoire. Les pays occidentaux n'ont effectivement pas laissé l'Union africaine entrer dans cette histoire libyenne. Pourtant, le continent africain compte plus d'un milliard d'habitants, le double de la population européenne, pour une superficie dix fois plus importante. Comment peut-on croire que la marginalisation de l'Afrique puisse durer indéfiniment ? »
Françoise Petitdemange : Si Jean Ping a raison, c'est bien sur le fait que l'Afrique n'a pas été totalement décolonisée mais il ne répète, ici, que l'une des constatations faites par Muammar Gaddhafi. La Libye, si ! Elle était indépendante, libre, souveraine. Grâce à Muammar Gaddhafi et à ses compagnons de Révolution du 1er Septembre 1969 qui ont pris les mesures nécessaires afin que les Français, les Britanniques et les Etats-Uniens remballent, en 1970, leurs armes, quittent les bases militaires qu'ils avaient installées, des décennies plus tôt, sur le sol libyen, et plient bagages. S'il y a une vengeance des chefs d'Etats occidentaux, il faut la chercher davantage dans le fait que les armées française, britannique et états-unienne ont dû démanteler leurs postes d'observation fichés sur le sol libyen pour espionner le continent africain et les pays du monde arabe, que dans la « quantité d'actes criminels » dont il faudrait chercher pour chacun - en admettant que ces actes eussent exister - l'origine... Non seulement un président d'une république, Nicolas Sarkozy, a adopté une attitude péjorative et humiliante à l'égard des peuples africains mais il a dévoilé son ignorance crasse de l'histoire de l'Afrique. Enfin, il est à se demander pourquoi Jean Ping aurait voulu que l'Union Africaine "entre" dans « cette histoire libyenne », alors que la Commission, si mal présidée par Jean Ping lui-même, n'a pas été à la hauteur de la Charte ?
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